Depuis quelques années, le secteur de la logistique et du transport fait face à une pénurie alarmante de ressources humaines notamment par manque de candidats, impactant significativement les opérations des entreprises. Cette problématique, qui touche de plein fouet le fonctionnement des entrepôts et des transports, résulte de divers facteurs complexes.
Le secteur logistique et du transport a subi des chocs économiques majeurs, tels que l’invasion de l’Ukraine et la pandémie de la Covid, qui ont engendré des perturbations significatives. Ces crises ont modifié les habitudes de consommation, favorisant la croissance du commerce en ligne et intensifiant les activités en entrepôt. Cette augmentation de la demande a exacerbé la pénurie de main-d’œuvre, créant des difficultés opérationnelles pour les entreprises. En 2022, près de 22 000 postes demeurent vacants en raison d’un manque de candidats, générant des retards et des perturbations dans la chaîne logistique.
Les conditions de travail dans le secteur logistique se sont détériorées avec l’augmentation des charges à déplacer, les horaires étendus, et les risques professionnels associés. Cette réalité dissuade le recrutement et la fidélisation des employés, renforçant ainsi la pénurie. De plus, l’automatisation, bien que nécessaire pour pallier le manque de main-d’œuvre, présente des limites et ne peut remplacer entièrement le travail humain.
Le vieillissement de la main-d’œuvre contribue également à la pénurie, avec de nombreux départs à la retraite non garantis d’un remplacement. Les nouvelles opportunités d’emploi créées par l’intensification des activités exigent des compétences spécifiques, créant un décalage entre l’offre et la demande de main-d’œuvre qualifiée. La nécessité d’une formation spécialisée devient alors cruciale pour combler ces lacunes.
Le gouvernement s’est saisi du problème en lançant des initiatives pour identifier des demandeurs d’emploi immédiatement disponibles. France Travail joue un rôle crucial en organisant des événements et des animations visant à attirer les demandeurs d’emploi vers le secteur logistique transport, tout en mettant l’accent sur les formations nécessaires. Le Grand Est, plateforme européenne d’échanges, est durement touché.
Le rapport de 2020 de l’ORT & L (Observatoire régional transport et logistique), indique 64 100 salariés dans la branche Transport et Activités auxiliaires des transports au 31 décembre 2019 (+1,8 %, après +2,7 % en 2018). Près de 1 120 emplois salariés ont été créés en 2019 dans la branche des transports routiers et activités auxiliaires du transport. Les plus fortes progressions d’emploi sont enregistrées dans le transport routier de marchandises. Il y est relevé que, dans le Grand Est, la Lorraine a vu son évolution progresser de +2,1 % suivie de très près par le territoire alsacien (+2 %). Néanmoins, dans certains secteurs, comme celui des marchandises, « 1/3 des effectifs ont plus de 50 ans, dont la moitié a plus de 55 ans. Ce sont donc des salariés qui vont partir en retraite dans les années à venir », précise le rapport.
Certaines entreprises ont adopté des approches innovantes pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre. L’intégration de réfugiés, la formation de conductrices de poids lourds en Inde, et d’autres initiatives originales montrent que des solutions alternatives peuvent être explorées pour répondre aux besoins du secteur.
Dans le Grand Est, près de 800 formations réparties sur les différents bassins d’emplois de la région permettent de former 4 500 personnes par an aux métiers des transports et de la logistique. Ces formations vont du CAP au master voire au-delà et peuvent concerner tous les âges. Dans les territoires, l’offre s’étend encore. À Metz, l’institut en innovation logistique (I2L) ouvrira ses portes en septembre 2024. Il formera des ingénieurs de niveau Bac +3 à Bac +5 et sera accompagné par de nombreux industriels de la région, bien conscients du vivier que pourrait représenter cette école à l’avenir.
L’AFT, Association pour le développement de la formation en transports et logistique, a conçu le site choisis-ton-avenir.com pour permettre de facilement retrouver en un seul endroit les informations utiles pour s’orienter, découvrir les métiers des transports et de la logistique et trouver une formation.
Pourtant, même sur cette première marche à franchir, des difficultés subsistent. Richard Blanchon, directeur adjoint de l’ISTELI Strasbourg (Institut supérieur du transport et de la logistique internationale – groupe AFTRAL) souligne les difficultés auxquelles l’école est confrontée en termes de recrutement, notamment en raison de la méconnaissance des métiers du transport et de la logistique par les jeunes. « L’image véhiculée est souvent limitée aux chauffeurs et aux caristes, alors que la réalité du secteur est beaucoup plus diversifiée », donne-t-il pour exemple. Pour surmonter cette perception négative, l’ISTELI Strasbourg se concentre sur des actions de sensibilisation lors de salons et de journées universitaires. L’école recrute des étudiants à partir du niveau bac + 2, provenant de divers horizons tels que des bacs professionnels en logistique et transport, des bacs STMG orientés vers la gestion, et même des étudiants en reconversion après avoir exploré d’autres domaines. En ce qui concerne le marché du travail, le directeur adjoint relève la forte demande. « Les situations complexes dans le transport international notamment mais aussi la logistique, offrent de nombreuses opportunités d’emploi, alimentées par des entreprises implantées dans la région », explique-t-il.
Les enjeux actuels du secteur sont en effet étroitement liés à l’international. Mais pas seulement. Richard Blanchon détaille : « Les réglementations de plus en plus strictes en matière de livraison en ville et l’impact croissant du commerce électronique encouragent l’émergence de nouvelles technologies, telles que l’automatisation des entrepôts. Lesquelles requièrent des professionnels capables d’innover et d’imaginer des solutions. »
Les défis actuels sont nombreux, mais les opportunités d’innovation et de croissance ne manquent pas, faisant du domaine « un terrain fertile pour les esprits créatifs et les professionnels engagés. »
Un ressort sur lequel les formateurs du secteur peuvent s’appuyer dans le changement de paradigme déjà entamé.
Marine Dumény