En rachetant une société de dimension européenne, le groupe spécialisé dans la location de matériel de manutention Manuloc s’apprête à « prendre un immense tournant », selon sa présidente Catherine Barthélemy. Parce que cette acquisition permettra à l’entité d’augmenter son chiffre d’affaires de 25 %, mais aussi parce que ce rachat marque le début d’une diversification de l’activité pour l’entreprise messine.
« Notre groupe s’apprête à prendre un immense tournant. » Catherine Barthélemy, la présidente de la société de location de matériel de manutention Manuloc est formelle : la nouvelle acquisition réussie par l’entreprise familiale messine s’apprête à faire basculer le groupe dans une nouvelle dimension.
Encore soumise au secret par l’Autorité de la concurrence, la dirigeante ne dévoilera pas l’identité de l’entreprise rachetée, mais délivre quelques indices. « L’intégration de la structure fera mécaniquement augmenter notre chiffre d’affaires (CA) de 25 % », assure-t-elle. Actuellement son groupe réalise un CA de 430 millions d’euros, ce qui donne une petite indication quant à l’importance de l’entité rachetée. « Oui, on parle bien d’une ETI [entreprise de taille intermédiaire] », admet la dirigeante. Au rayon des certitudes, l’entreprise est vraisemblablement localisée en France, et bénéficie d’une aura européenne. Manuloc a racheté 100 % du capital, laissera les équipes en place et ne communique pas sur le montant de l’opération.
Mais que doit apporter cette importante opération de croissance externe dont, selon Catherine Barthélemy, les « perspectives sont impossibles à limiter » ? « Nous allons élargir notre métier de location opérationnelle à la location financière d’actifs », explique la présidente. Pour rappel, depuis 60 ans, Manuloc est spécialisée dans la location d’engins (chariots électriques, gerbeurs, transpalettes…) pour des durées plus ou moins longues. Son modèle économique repose sur le fait de faire l’acquisition de matériel en propre auprès de nombreuses marques, d’identifier le besoin de son client et d’envoyer la bonne machine au bon endroit avant d’assurer la maintenance du matériel sur place pendant toute la durée du contrat. « Ce sont des engins qui sont rudoyés, qui nécessitent un entretien permanent », explique Johann Peyroulet, directeur général délégué. À ce jour, Manuloc s’appuie sur un parc de 23 000 machines valorisé à 645 millions d’euros.
Demain, en plus de cette activité historique, Manuloc deviendra spécialiste dans un autre marché. « Les actifs que nous louerons seront utiles à la décarbonation de l’économie », poursuit Johann Peyroulet. Ainsi le groupe proposera des batteries de stockage qui permettent de conserver l’électricité pour l’utiliser au besoin, des chargeurs intelligents, des solutions de régulation de la consommation électrique, des pompes à chaleur, des panneaux photovoltaïques… Manuloc utilisera son savoir-faire engrangé au fil des années avec son activité première pour être l’intermédiaire entre les fournisseurs du monde entier et ses clients. « 96 % du matériel de manutention que nous plaçons aujourd’hui est électrique. Nous travaillons avec les six constructeurs principaux de matériel de manutention au monde et nous avons déjà tout un réseau de partenaires. Depuis plusieurs mois, nous sourçons les meilleurs fournisseurs pour notre nouvelle activité », continue Johann Peyroulet. « Par exemple, nous proposons déjà du matériel du constructeur chinois BYD qui est le leader mondial des batteries lithium-ion », illustre le directeur général délégué.
Sur cette nouvelle activité, qui permettra d’accroître le portefeuille clients en adressant tous les acteurs qui ont de gros besoins d’électricité, et de sortir des frontières de la France et de l’Europe, les enjeux pour Manuloc seront surtout d’identifier et de proposer un matériel de qualité. « Les entreprises ont bien compris le besoin de se doter de matériel indispensable à la transition écologique. Mais comme ces investissements sont coûteux, ils essaient de les transformer en loyers, pour ne pas immobiliser leur trésorerie », indique Johann Peyroulet avant de reprendre : « À la différence du matériel de manutention, les actifs liés à la transition écologique que nous proposerons ne nécessitent pas ou très peu de maintenance. Ce sont des produits immeubles », développe Johann Peyroulet.
« Aujourd’hui tout pousse à l’électrification, mais nous n’avons pas la capacité de production nécessaire pour assumer les besoins. C’est pour ça que toutes les solutions permettant de stocker et d’optimiser la production d’électricité deviennent cruciales », argumente encore Catherine Barthélemy pour justifier du pivot majeur pris par son groupe.
Au fil des décennies, Manuloc a su asseoir sa notoriété et continue d’afficher une croissance de 7 % en moyenne par an. « Sur les cinq dernières années, nous affichons 30 % d’activité supplémentaire », rappelle Catherine Barthélemy. Manuloc présente un Ebitda, soit le résultat avant impôts, amortissements et autre dépréciation, à hauteur de 40 % de son chiffre d’affaires. Une « excellente santé financière » pointée par la présidente du groupe qui rappelle par ailleurs que « Manuloc réalise 100 millions d’euros d’investissement par an, notamment pour développer son parc de machines. » C’est aussi grâce à cette puissance financière que le groupe ne s’interdit rien quant au développement de sa nouvelle activité.
Jonathan Nenich
« J’ai dû mal à me détacher de cette odeur », assure Catherine Barthélemy en déambulant dans les allées de son usine messine. Cette entreprise, c’est toute sa vie. Alors qu’elle n’a que 27 ans, son père, le fondateur du groupe fait appel à ses services. Juste pour assurer le remplacement d’un cadre. Juste quelque temps. L’intérim se comptera en mois, c’est promis… La société réalise alors un chiffre d’affaires de 600 000 euros (aujourd’hui 430 millions d’euros avec un parc de machines en propre valorisé à 645 millions d’euros)… L’essai se prolonge, et se prolonge encore. Des décennies plus tard, Catherine Barthélemy est toujours là. Entrée par la petite porte, avec pour seule qualité « d’être la fille du patron », elle s’est muée en femme d’affaires redoutable et est engagée sur le plan local en étant aussi à l’origine de la création de l’association Impact Lorraine qui œuvre pour le développement durable de l’économie Lorraine, en accélérant notamment le processus de dynamisation et de modernisation du réseau régional de voies de communications (A31 bis, projet ferroviaire sud lorrain…).